Sur le Maintien de l'Ordre
Les acteurs du maintien de l’ordre à la française maîtrisent leur sujet.
Eux évoluent sans cesse, réfléchissent, multiplient les ReTex (retour
d'expérience - bilan) après chaque manifestation, encadrent
minutieusement les mouvements sociaux (par la discussion comme par la
force), tentent de prévoir chaque débordement - jusqu’à établir un
prévisionnel de la casse "acceptable" - et s’ingénient à ne guère
laisser d’espace à tous ceux qu’ils voient comme des perturbateurs.
(...)
David Dufresne est l'auteur de Maintien de l’ordre, enquête :
De la répression de la révolte de novembre 2005 aux discussions
conduites entre les représentants des étudiants et ceux du préfet de
Paris à la veille de la manifestation anti-CPE du 23 mars 2005, de la
création des CRS à la Libération aux récentes théories de gestion des
foules], des bureaux de la place Beauvau aux geôles de garde-à-vue des
commissariats, David Dufresne livre un complet panorama. Et dresse un
très instructif tableau des enjeux et stratégies du maintien de l’ordre,
ainsi que de leurs évolutions.
L’auteur est depuis passé à autre chose - le livre date de la fin 2007 -
, réalisant notamment un très remarqué webdocumentaire sur le système
carcéral américain, Prison Valley, avant de se plonger dans la rédaction (en cours) d’un livre sur l’affaire de Tarnac.
Extraits :
"il y a une connaissance policière du terrain, du mouvement des foules
et d’une psychologie très aiguë, très poussée. Hormis la manif' sauvage,
qui reste quantitativement limitée, qui n’est dotée de quasiment
aucune visibilité et qui n’existe que pour ses participants, toutes les
manifestations sont ultra cadrées. Et les forces de l’ordre en sont
très fières, considérant qu’il s’agit là, avec la police judiciaire,
d’un de leurs pôles d’excellences. D’ailleurs… si leurs responsables
m’ont laissé enquêter sur le sujet sans me mettre trop de bâtons dans
les roues, au moins au début, c’est justement pour cette raison. Ceux
qui me parlaient étaient désireux de me raconter leur travail, d’étaler
leur doctrine, qui consiste à montrer sa force pour ne pas s’en
servir, à ne surtout pas faire de mort."
"A Strasbourg, lors des manifestations du contre-sommet de l’OTAN (2009), un poste de douane a été saccagé et brûlé. Il faut savoir que ce poste était à l’abandon, et promis à la démolition. La police avait ainsi prévu qu’il était possible qu’il soit attaqué et détruit par les manifestants ! C’est classique, en fait : il y a souvent des éléments sacrifiés pour relâcher la pression. Ils appellent cela la « gestion patrimoniale », qui consiste à déterminer jusqu’où la préfecture ou le ministère de l’Intérieur peuvent laisser casser des bagnoles, des lampadaires ou des vitrines."